Bon, à un moment donné, faut que ça soit dit.

« On peut plus rien dire, gnagnagna »

Bah ouais, c’est comme ça, on ne peut plus rien dire, c’est la vie.

Pourquoi ?

En fait, dans tout phénomène de révolution, petit ou grand, positif pour le peuple ou pas, il y a des changements notables dans le verbiage / vocabulaire employé par les différents partis.

On va parler de tout un tas de gens qui disent « On ne peut plus rien dire », et pour faire court dans des tweets à la taille limitée, appelons-les les “Finkies”, ça sera plus rapide.

D’abord on parlait du chômage, puis des chômeurs, puis des demandeurs d’emplois, puis des personnes en réinsertion, etc., c’est l’évolution du vocabulaire en fonction de comment on veut faire passer un message (voir les conférences de Frank Lepage sur le sujet)

Depuis un moment, les luttes féministes mettent la part belle au vocabulaire du patriarcat afin de le dénoncer et de faire changer les mentalités et faire passer des messages militants. C’est une lutte révolutionnaire comme il y en a eu tant d’autres.

Le truc c’est que la phrase « On ne peut plus rien dire » est le plus souvent emprunte d’une opinion qui peut venir, à mes yeux, de 2 choses seulement : • Une position partisane (misogynie, sexisme, etc.) • Une absence de remise en question par réactance (égo, par exemple)

La position partisane est claire et nette : le finkie qui dit « On ne peut plus rien dire » le dit spécifiquement pour museler les militant(e)s, et tenter de les écraser.

Ça se voit facilement dans les propos ou les combats annexes (soutien de Zemmour, manif pour tous, etc.)

La réactance en revanche est différente. Elle n’est pas la marque immédiate d’une personnalité toxique anti-militante, et surtout, ça peut arriver à tout le monde, des deux côtés du combat.

Petite anecdote récente :

Une photographe fait un appel à modèles pour un projet photo, et pose ses critères de physique dedans, notamment “corpulence fine”.

Un mec tag sa femme, celle-ci répond en rigolant « Elle a dit mince 😁 » (la femme en question est assez mince, mais pas très maigre non plus).

Et là, une personne lui répond un message très dur : « ça va, ça te dérange pas de faire de la grossophobie crasse oklm ???!!! Et tu te dis féministe ?! Tu es puante » (sic)

C’est de la réactance, du côté militant (toutes deux sont militantes féministes, pour info)

En deux tweets on voit une situation anodine devenir un combat entre deux personnes qui ont probablement les mêmes valeurs, mais l’une des deux s’est sentie méchamment attaquée pour des raisons personnelles, et si c’était une discussion IRL, peut-être que ça irait mieux en vrai.

Imaginez maintenant quand c’est un youtubeur dev un peu star qui commente le taff d’une dev junior de façon très critique et très maladroite. D’une part, il va offusquer/blesser la personne, d’autre part, il va y avoir réactance des deux côtés.

Les militant(e)s vont défendre la personne critiquée (normal), et les Finkies vont attaquer les militant(e)s.

C’est un combat stérile.

La défense de la personne critiquée est très importante car elle se sent blessée, et elle est en position minoritaire.

Par contre, la défense du dev star n’est pas nécessaire : il a un gros impact médiatique, et en une fraction de seconde peut amener des tonnes de Finkies qui vont harceler les militant(e)s, surtout la personne citée en premier (la “victime”, difficile de trouver un autre mot).

Par contre, les personnes qui ne sont pas militant(e)s et pas Finkies pour autant vont pouvoir apercevoir la situation défiler sur leur feed et se faire un avis. Et leur avis va se faire en fonction d’un tas de critères et d’habitus, mais surtout, de façon exacerbée.

Si la personne a un petit penchant militant, elle va être très convaincue par les propos militants, et peut-être militer un peu plus.

Si elle a un petit penchant finkie, elle va probablement s’énerver un peu.

Vous voyez bien le schéma, j’imagine.

Donc en gros, QUOI QU’ON DISE, de militant ou de style « On ne peut plus rien dire », on ne peut vraiment plus rien dire sans créer un débat ou un conflit, et exacerber les valeurs individuelles de chaque personne impliquée.

C’est normal, c’est purement grégaire, humain.

L’être humain est un animal social grégaire, et il est très difficile de jauger les comportements qui ressortent de l’individu spécifique ou d’une attitude de foule. Le militantisme sur les réseaux sociaux, c’est un peu des deux, et c’est compliqué pour nos cerveaux pas adaptés.

Il faut bien savoir qu’on est en ce moment à l’apogée, au paroxysme des technologies de communication, alors que notre cerveau biologique en est encore à des siècles (voire des millénaires) de ça, et est tout juste adapté à des plus petites communautés IRL.

Donc la surabondance de communication réveille des instincts grégaires, souvent égoïstes/égocentrés, du type « On ne peut plus rien dire » face à un propos qui change notre vision du monde et/ou nous blesse.

Et puis, si on extrapole un peu, on retombe dans ce truc de Karl Popper : « On ne peut plus rien dire », ok, mais est-ce qu’on doit avoir le droit pour autant de dire de la merde en toute liberté ?

Je veux dire, les propos sexistes outranciers du style « C’est bon l’hystérique, t’as tes règles ou quoi ? Un coup d’bite et ça ira mieux. » (sic, enfin, sans les fautes d’orthographe), est-ce qu’on doit “vous” laisser les dire pour autant ?

C’est une question rhétorique : non, on ne peut pas.

« On ne peut plus rien dire », c’est vrai : on ne peut plus rien dire d’oppressif, ce qui comprend une grande partie de notre verbiage issu de la culture du patriarcat, mais aussi du capitalisme, la colonisation, racisme, etc.

(Et ne me parlez pas du couvert « C’est de l’humouurrrrrrr lol », c’est juste une façon déguisée pour tenter de se déculpabiliser de dire de la merde, donc arrêtez ça)

Dans ce cas particulier, les luttes en faveur de l’inclusion de personnes issues de minorités (ethniques, neuro-atypiques, de genre, etc.) sont des luttes qui nécessitent de changer la façon dont on s’exprime pour blesser moins de gens.

Et donc de se remettre en question.

Donc quand le youtubeur dev star ne fait rien pour s’excuser, et pire, se moque des personnes militantes, on est là dans la réactance par égo. En gros « C’est pas moi, c’est les féministes extrémistes blablabla ». Même s’il n’est pas verbalisé ou conscientisé, c’est comme ça.

Et donc cette personne va être “flag” comme toxique (logique, vu qu’elle laisse le harcèlement se faire sans rien dire), et les Finkies vont flag les militant(e)s, parfois jusqu’à les harceler.

Mon avis maintenant : je pense que quand on nous dit qu’on dit de la merde parce que ça peut blesser quelqu’un, on doit fermer sa gueule et s’excuser platement.

Les gens qui militent ont des VRAIES RAISONS de le faire.

Vraiment, hein, c’est pas juste pour faire chier les mecs.

Les féministes de la tech, par exemple, vont très vite pointer du doigt les devs “stars” qui propagent des propos sexistes/misogynes, parce que c’est précisément ça qui pose problème dans l’inclusion des femmes dans la tech.

Moi aussi on m’a déjà bien “gueulé dessus” sur des propos maladroits que j’ai pu avoir, sexistes, ou autre.

Je ne suis pas parfait, et personne ne l’est.

Par contre je crois en la capacité de changement de l’humain.

Et je l’applique en premier lieu à moi-même.

Donc si on me gueule que ce que je dis est sexiste ou autre, je me tais, je réfléchis à la raison qui peut pousser quelqu’un à penser ça, je m’excuse, et ensuite je discute, et j’apprends, et dans le meilleur des cas, tout va mieux.

Dans le pire des cas, je me fais bloquer, et tant pis, cette personne n’a probablement pas envie de se prendre la tête à discuter, et a peut-être mieux à faire de son temps, et c’est normal.

(d’ailleurs, je sais que je suis bloqué par des personnes féministes pour avoir eu des propos limite il y a très longtemps, j’ai rencontré ces personnes inopinément IRL et on a eu des super discussions, mais elles ne m’ont pas débloqué, et je m’en fous, mon égo passe en 2nd plan)

Passer son égo au second plan, se taire, et limite baisser les yeux en s’excusant, ce sont les meilleures choses à faire.

Ça prouve qu’on peut accepter ses erreurs, se remettre en question, apprendre des personnes qu’on a pu blesser, pour ensuite évoluer, grandir, et partager.

L’idée, c’est de se taire, d’écouter, d’apprendre, de comprendre, et enfin de partager, pour espérer rendre le monde un peu meilleur.